Et si la lecture disparaissait ?

Si j’ai débuté ce blog, d’où son nom, en me concentrant essentiellement sur l’édition numérique,  force est de constater que je me plais de plus en plus souvent à écrire sur d’autres sujets. Il faut dire que si les enjeux qui peuvent tourner autour de la lecture numérique m’intéressent vivement (voir par exemple le billet sur la gratuité du livre numérique, écrit avec Jean-Basile Boutak), les sujets récurrents : DRM, grands méchants éditeurs, lecteurs papiers contre lecteurs numériques,… ont fini par me lasser, eux qui me paraissent ressassés mille fois. Si bien que je me retrouve souvent bien embêté quand il s’agit d’écrire sur l’édition numérique.

Heureusement, un billet du blog ado 3.0 est venu me fournir un peu d’inspiration sur le thème un peu plus large de la lecture numérique. Ce billet, que je vous invite à consulter pour plus de détails, évoque l’adolescent comme un lecteur numérique potentiel, mais qui limite pour le moment sa lecture numérique aux Sms et à Facebook, encore bien loin du Kindle ou des oeuvres éditées par nos chers « Pure player ».

L’article explique que l’adolescent perçoit la tablette comme un outil ludique avant tout, et préfère lire ses fictions sur papier. Il est ensuite évoqué la possibilité de l’apparition d’une lecture numérique plus interactive et communautaire, à la manière d’un Facebook littéraire. En somme, la lecture d’œuvres littéraires en numérique n’a pas encore conquis les plus jeunes d’entre nous, et tout est encore possible dans l’évolution du livre numérique.

Pour ma part, je me suis demandé s’il ne fallait pas aller plus loin dans l’analyse, en nous demandant si la lecture, papier ou numérique, n’était pas complètement révolue ! Et si les adolescents ne se moquaient pas purement et simplement de la lecture ?

Pour être honnête, je ne suis pas un énorme lecteur, même si je ne suis pas non plus le pire. Il m’arrive parfois de penser au temps d’avant, où le livre était l’un des seuls moyens ou presque de partir à l’aventure dans l’imaginaire, l’un des seuls moyens d’apprendre. Et je le compare ensuite à nos loisirs modernes, aux trucs d’ados justement. Télé, ciné, ordi, Facebook, Twitter, consoles,…

Je me demande alors souvent comment ces loisirs/sources d’informations/réseaux peuvent se placer par rapport aux livres. Doivent-ils être considérés comme à part, complémentaires ou interchangeables ? Peuvent-ils remplacer le livre dans ses différents rôles ? Je peux m’instruire sur Internet, suivre des récits au cinéma, vivre des aventures dans les jeux vidéo… Plus besoin de livres !

D’ailleurs, à vrai dire, autant en tant que jeune adulte qu’en tant qu’ancien ado, je me souviens rarement de mentions aux livres dans les conversations entre amis. Je dois même reconnaître que je serai incapable de dire qui lit quoi dans mon entourage, ni même si un tel lit ou non. Pourtant, je sais qui a précommande le dernier Assassin’s Creed ou vu le dernier Batman…

Et quand on finit par parler d’hypothétiques livres numériques interactifs et communautaires, n’est-on pas en train de reconnaître la mort du livre ? Car au fond il paraît évident que l’acte de lire -que ce soit un Sms, un profil Facebook ou encore l’arrière d’un paquet de Kellogs- est  à différencier de l’activité lecture. Et si la seule manière de faire lire est de transformer le livre en jeu, alors peut-être que le livre n’a plus de raison d’être !

Finalement, tout ça pour se demander si la querelle entre adeptes du papier et du numérique n’est pas à côté de la plaque. Plutôt que de se demander si les futures générations liront sur du papier, sur un écran ou encore sur une interface de réalité virtuelle, peut-être faut-il plutôt se demander si elles liront encore…

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10 réflexions sur “Et si la lecture disparaissait ?

  1. Effectivement, la concurrence entre média est de plus en plus forte et le livre, et notamment le livre de fiction, en souffre car il n’est pas adapté, dans sa forme papier ou homothétique, aux attentes multimédia des nouvelles générations de lecteurs.
    C’est ça le vrai challenge pour le livre: comment produire une expérience de lecture immersive, à la manière des jeux vidéos ou des réseaux sociaux, capable de concurrencer les média les plus sexy. Tout un programme…
    Il n’y a pas encore de créateurs qui font ce qu’ont fait les studios de Hollywood lorsqu’ils se sont montés: inventer une nouvelle grammaire narrative et de nouveaux modèles d’activité – Hollywood ne s’est pas contenté de filmer des pièces de théâtre.
    Certains sont probablement sur le bon chemin (par exemple l’Homme Volcan, l’Herbier des Fées, le Kadath de Walrus ou Civilized.fr), mais on est encore loin d’une démarche pérenne et rentable.
    En tout cas je suis persuadé que le livre de fiction a un avenir, puisque comparativement c’est le seul média qui laisse au spectateur le soin de se construire son propre imaginaire. Personne ne lit un livre de la même façon qu’un autre, alors que tout le monde voit un film à la même vitesse.
    Le livre est mort, vive le livre.

  2. Sediter,

    Manque d’inspiration et lassitude pour la guéguerre papier-numérique sont tout-à-fait compréhensible puisque, d’après ce que j’ai pu glaner sur Internet, le plus souvent, les protagonistes des deux camps s’arque-boutent sur leurs points de vue sans faire avancer le débat. Comme vous l’exprimez très bien, le vrai problème réside dans le goût de la lecture, et ce qui compte, c’est de rendre la lecture attrayante, quel que soit le support.
    Mes trois enfants ont reçu une éducation identique. Deux d’entre eux n’envisagent pas de passer une seule soirée sans lire, tandis que l’autre a développé une phobie irraisonnée de tout ce qui ressemble à un livre, y compris les bandes dessinées.

    J’ai l’impression que le fait d’avoir offert à mon petit-fils de 11 ans une modeste tablette Archos a accru son envie de lire. Je me garderai bien d’ériger cet exemple individuel en règle générale, et si d’autres préfèrent sentir entre leurs mains la texture du papier, je ne vois pas où serait le problème. Les efforts de tous devraient converger vers le même objectif, empêcher la lecture disparaître, comme le titre de votre article le laisse entendre.

    Tipram

  3. Merci pour vos commentaires !

    @Romain Je trouve votre réponse très juste même si sa conclusion me laisse un peu sur ma faim. Le livre est mort certes, mais son successeur ira-t-il dans la continuité de son règne ou changera-t-il du tout au tout ? Sans vouloir dériver vers le sujet du livre augmenté, vous remarquez justement que le succès est pour le moment mitigé.

    Si le livre permet de construire son propre imaginaire, et c’est en effet un atout majeur, le livre augmenté ne le permet pas forcément (il suggère les images, le son, peut-être un jour les odeurs qui sait !). La difficulté pour le livre, si effectivement sa popularité commençait à décliner, serait de se renouveler sans devenir un « sous-jeu-vidéo » ou un « sous-film ». Concernant l’éventualité de nouvelles trouvailles narratives, je reste néanmoins perplexe. Le livre est un vieux roi et à déjà connu bien des formes, il me semble aujourd’hui quasi impossible d’essayer de le renouveler tout en restant lisible.

    Bref, je donne tant de remarques complètement inutiles pour enliser encore un peu plus le sujet ! :-p

    @Tipram Tout comme votre petit fils, le numérique me pousse à lire nettement plus, notamment car le fait de tout avoir sous la main et sur un seul support est plutôt pratique ! Pour le reste nous sommes sur la même longueur d’ondes ! 😉

  4. En même temps, est-ce qu’avant tout le monde lisait ? La lecture comme loisir a toujours été réservée à une certaine élite très alphabétisée, il me semble, et finalement l’époque où démocratisation du livre et absence des technologies et média que l’on connaît aujourd’hui se sont chevauchées n’a guère duré.
    Encore aujourd’hui, il me semble que c’est une question de milieu. Chez nous, on n’écoute pas la télévision. Je ne joue pas aux jeux vidéos et je vais très rarement au cinéma. J’ai presque entièrement arrêté d’écouter la radio. Les livres, en revanche, je ne peux pas m’imaginer cesser d’en lire…

    • Merci pour le commentaire ! C’est une bonne remarque, mais qui reste à nuancer. Cela fait tout de même quelques générations que nos populations sont alphabetisées et je me plais à croire que la lecture n’a rien d’élitiste aujourd’hui. Sans le nombre conséquent de consommateurs de livres qu’il y a aujourd’hui, il est sûr que le marché de l’édition aurait un tout autre visage. Mon impression est certainement faussée par un manque de recul mais nous entrons dans une ère ou tout va plus vite, tout est plus immédiat, plus connecté, une ère où le livre pourrait avoir du mal à trouver sa place.

  5. Pingback: Semaine 38- La revue de Web « Agaboublog

  6. Bonjour,

    Pour ma part, j’ai du mal à imaginer que la lecture puisse disparaître… Sans doute parce que j’ai du mal à m’imaginer vivre sans lire, quel que soit le support !
    Pour ce qui est des adolescents, comme pour les adultes, je crois qu’il est impossible de généraliser. Mon fils de 18 ans lit peu : statuts Facebook de ses copains, articles de blog, Sciences & Vie (qu’il feuillette plus qu’autre chose). Ma fille de 15 ans s’est mise à lire beaucoup il y a un an et demi : des livres papier, des histoires que des jeunes de son âge publient en épisodes sur Facebook… mais elle rechigne à lire sur ma liseuse !
    Pour ma part, je lis énormément : sur papier, écran d’ordinateur ou liseuse. Ce n’est pas le support qui compte, mais l’acte de lire lui-même 🙂

    Florence

    • « Ce n’est pas le support qui compte, mais l’acte de lire lui-même »

      Entièrement d’accord avec vous, Florence.

      Tipram

  7. Bonjour,
    J’ai trouvé votre article vraiment intéressant!
    Cependant une phrase m’a interpellé : « l’acte de lire -que ce soit un Sms, un profil Facebook ou encore l’arrière d’un paquet de Kellogs- est à différencier de l’activité lecture. »!
    Pourriez vous développer votre idée?
    Pour vous que signifie « l’acte de lire »? et « l’activité de lecture »?

    Merci
    Alice

    • Bonjour Alice,

      Merci pour cette remarque ! Elle m’a surtout donné l’occasion de replonger dans un vieil article que j’avais totalement oublié ! 🙂

      Pour étayer mon propos d’alors, je dirais qu’il est surtout relatif à l’article qui m’a inspiré celui-ci (http://ados3point0.wordpress.com/2012/09/14/lado-chainon-manquant-de-la-lecture-numerique/).

      L’article évoquait une enquête qui révélait que X% des adolescents « lisent sur ordinateur » mais sans préciser quel type de lecture, ce qui n’est en soit pas forcément encourageant pour les livres.

      Pour donner des définitions, je dirais que :
      – L’acte de lire : concerne simplement le fait d’avoir appris à lire, et d’utiliser cet apprentissage quand il est obligatoire (c’est à dire lire des indications, des SMS, des documents administratifs, etc.).
      – L’activité de lecture : est quant à elle davantage issue d’un choix du lecteur, qui décide de « perdre » des heures dans la lecture d’un roman, d’un guide pratique, d’un ouvrage scientifique, d’articles de journal ou de blog ou de toute autre lecture « facultative ».

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