Parmi les innombrables et exquises expressions populaires de la langue française, deux phrases pourraient parfaitement illustrer la nouvelle que nous allons présenter aujourd’hui : « les plus courtes sont les meilleures » et « on apprend pas à un vieux singe à faire la grimace ». C’est certainement en se fiant à ces deux expressions que Neil Jomunsi a débuté la rédaction de son Chemin du retour, une très belle nouvelle d’inspiration simiesque et végétale, comme le rappelle la couverture.
Le chemin du retour met en scène Babu, un vieux singe au plus profond de la déchéance, parqué avec sa tribu dans une portion protégée de la jungle. Ce havre de paix, dans lequel les humains nourrissent les singes et les protègent des braconniers, prend de plus en plus des airs de prison pour notre vieux singe. En effet, Babu devient un poids mort pour les siens à l’approche de sa mort. Il repense aux anciennes légendes de son peuple qui dépeignent un sanctuaire en pleine nature dans lequel les singes mourant se rendaient à une certaine époque, pour s’entretenir avec le Dieu Singe avant de s’éteindre. Babu décide alors de quitter les siens pour retrouver ce lieu sacré, et s’apprête à découvrir ce qu’est devenue sa race sous les poids réunis du temps et de l’espèce humaine.
Cette nouvelle a confirmé l’image que j’avais de Neil Jomunsi, à savoir celle d’un auteur de grand talent. Avec Je suis Rage il livrait l’un des romans les plus étranges et originaux qu’il m’ait été donné de lire, avec Jésus contre Hitler il montrait son grand sens de l’humour et sa facilité à gérer rythme et action. Ici, l’auteur fait preuve d’une certaine sensibilité à travers une émouvante nouvelle allégorique. Ce n’est pas forcément le simple sort d’un singe qui nous est présenté, puisque nous pouvons trouver un grand panel d’interprétations. La nouvelle évoque la vieillesse, la lutte des âges, l’impact des civilisations, la monotonie, la société, la mort, la religion, les vices et petitesses humaines.
Certains pourraient reprocher au texte sa rapidité (comptez une vingtaine de pages pour cette nouvelle numérique) mais la mission me semble remplie, et plutôt bien remplie. Si vous souhaitez découvrir ce texte d’une grande qualité, qui ne sera apparemment pas la seule nouvelle que Jomunsi publiera, il vous coutera tout juste moins d’un euro, par exemple sur Kobo ou Amazon. Vous pouvez aussi lire la présentation du texte sur le site de l’auteur.
Bonne lecture !
Retour écrit pour le club des lecteurs numériques
Merci vieux! Cela me fait très plaisir de voir que tu as apprécié la nouvelle. 🙂
Une critique aussi longue sur une nouvelle, ça prouve qu’il y a beaucoup à en dire ! 😉 C’est un très bon texte.
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Neil Jomunsi nous offre un conte philosophique qui tombe à pic dans notre monde globalisé où le culte de l’argent et la loi de la jungle secouent rudement les principes humanistes de solidarité et d’équité.
Il utilise un procédé original pour décrier les travers d’une civilisation matérialiste marquée par le fossé entre les générations, et où la société de consommation rend caducs les valeurs traditionnelles. Même le dieu d’antan n’y résiste pas. Il s’est résigné et passe son temps à boire des bouteilles (de bière ?) qu’il décapsule d’un coup de dents.
Dommage que le texte comporte quelques tournures maladroites et quelques erreurs de ponctuation et de typographie. Une relecture attentive aurait facilement pallié à ces petites imperfections et aurait permis au conte de prendre l’ampleur qu’il mérite.
Car une fois la liseuse éteinte, Babu continue à nous trotter dans la tête. On se réjouit alors que Neil Jomunsi ait créé ce personnage attachant, courageux, épris de liberté et ancré dans ses convictions, que ni la douleur physique ni les cruelles déceptions ne détournent de ce qu’il estime être juste. Nul doute que bien des lecteurs s’identifieront à lui.
Je ne peux que recommander cette nouvelle à ceux que l’air du temps irrite. Et aux autres aussi.
Tipram Poivre