Comme chacun sait, l’internet français entre en hibernation chaque mois d’août, époque où même les internautes les plus aguerris délaissent un peu la toile pour se laisser souffler. Plutôt que de laisser le blog s’endormir lui aussi à cette période, j’ai décidé de profiter de ce calme relatif pour vous proposer une série d’articles qui me trottait dans la tête depuis un moment, consacrés aux liens entre le livre et les jeux vidéo. Plus précisément, je vais consacrer le mois d’août à souligner les sources d’inspiration possibles qu’un auteur peut trouver en étudiant le jeu vidéo. Je vais donc vous proposer une série d’articles dont le nombre n’est pas encore précisé, qui toucheront systématiquement des thèmes communs aux livres et aux jeux vidéos.
J’ai conscience de m’adresser ici à l’infime niche des écrivains geek (je sais qu’ils existent !), mais je m’efforcerais de détailler clairement mes différentes sources pour que les articles puissent être parfaitement compris, même par les lecteurs peu adeptes de la pratique vidéo-ludique. Pour le reste, si le sujet ne vous inspire vraiment pas, je vous invite à revenir sur le Souffle Numérique en septembre pour des articles plus conventionnels !
Histoire de démarrer cette série sur les chapeaux de roues, et de justifier vainement l’idée saugrenue de tels articles, cette introduction traitera des rapports entre le livre et les jeux vidéo de manière générale, avant que nous n’entrions dans le vif du sujet dans les articles suivants.
Distraire et raconter
J’ai toujours été un grand partisan de la recherche d’inspiration dans ce que certains appellent la sous-culture, à savoir les films, les séries télévisées, les bande-dessinées ou encore les jeux vidéo. Et pour cause, tous ces supports ont deux choses en commun, malgré leur apparente disparité : ils racontent une histoire et ils divertissent. Certes, ces différents supports culturels s’appuient sur des codes différents et nécessitent des savoir-faire spécifiques, mais les gens les consomment généralement pour les mêmes raisons : s’évader un peu du quotidien grâce à une histoire extraordinaire.
Je sais que les puristes pourraient être choqués de voir ainsi comparés le livre et les jeux vidéo, mais à partir du moment où ils permettent tous deux de s’échapper du réel contre quelques heures de notre temps, ils se ressemblent. Les amateurs de littérature s’offusqueront peut-être d’un tel raccourci, mais il faut noter que les lecteurs n’entament pas toujours un ouvrage pour pratiquer une étude de texte, il s’agit bien plus souvent de rencontrer des personnages et de suivre un récit passionnant, sans considération « artistique ».
Par ailleurs, tout comme il existe des livres divertissants et des livres de littérature (notons que l’un n’empêche pas l’autre), les jeux vidéo n’ont pas tous un but purement ludique, et on voit de plus en plus de jeux qui portent avant tout un projet artistique. Je pense ici par exemple à The Graveyard, un jeu sorti en 2009 qui place le joueur dans la peau d’une vieille dame qui traverse un cimetière. Le jeu n’a pas vraiment de but, et permet uniquement de faire avancer l’unique personnage au milieu des pierres tombales, sous les cris des corbeaux et les bruits de la nature. Le jeu vidéo perd ici de son aspect ludique pour devenir une balade poétique, voire métaphysique.
Jeux vidéo et récit
Ne masquons pas non plus la réalité, The Graveyard est loin d’être représentatif de l’industrie vidéoludique actuelle, mais ce n’est pas pour autant que les jeux vidéo sont tous violents et stupides, comme les médias aiment à le faire croire. N’allez pas penser que le jeu vidéo n’est qu’un bête prétexte à la violence gratuite et au défoulement. Bien souvent, le jeu vidéo va en effet s’appuyer sur un récit solide, des personnages marquants et une intrigue haletante, comme tout bon roman ! Même si tous les récits de jeux vidéo ne se valent pas, loin de là, le temps de Duke Nukem 3D (1996) où il suffisait d’une invasion extra-terrestre pour justifier un scénario est bien révolu !
Si vous pensez que les jeux vidéo sont vulgaires, violents et idiots, Duke Nukem 3D… ne vous fera pas changer d’avis !
Ainsi, de plus en plus de jeux s’appuient sur des univers et des trames scénaristiques aboutis, et mettent de véritables épopées entre les mains du joueur. Citons ici le cultissime Metal Gear Solid (1998) qui, s’il permet effectivement au joueur de tuer des soldats par dizaines et d’affronter de solides Boss, a surtout marqué les esprits par un scénario complexe, des personnages charismatiques et un lot de retournements de situation. Certes, l’aspect ludique est présent, mais le simple jeu se laisse dépasser par un véritable travail de mise en scène. Pour preuve, les scènes de jeu y étaient régulièrement coupées par des cinématiques de plusieurs minutes, qui ajoutaient énormément de substance à l’expérience de jeu.
Jeux-vidéo et livres jeux
Si le paragraphe précédent vous a persuadé que le jeu vidéo se rapproche du cinéma (ce qui est déjà une bonne chose, le cinéma ayant davantage tendance à être considéré comme partie intégrante de la culture), je maintiens qu’il n’est pas non plus éloigné de l’univers du livre.
Information intéressante, bien que certainement due au hasard, les livres-jeux (aussi connus sous le nom de Livres dont vous êtes le héros) sont apparus en même temps que les tous premiers jeux vidéos, à savoir au début des années 60. Les deux ont en commun de créer une interaction entre le lecteur/joueur et le livre/jeu.
Cette interaction, qui manque à la lecture, peut expliquer l’apparition du jeu de rôle papier (à l’instar du célèbre Donjons et Dragons dans les années 70) qui donnera lui-même naissance au jeu de rôle vidéo-ludique (le jeu de rôle étant un jeu vidéo dans lequel le joueur est amené à incarner son personnage, en établissant son physique, sa manière d’évoluer, ses choix moraux, etc.).
A l’origine d’un jeu de rôle « papier » très populaire, la licence Donjons & Dragons a par la suite donné naissance à des dizaines de jeux-vidéo
Au vu des univers scénaristiques de la majorité des jeux de rôle actuels, qui utilisent à foison elfes, trolls et magiciens, on devine que l’affiliation de ces jeux vidéo vient directement de la littérature fantasy, même si des licences comme Donjons & Dragons ont aidé à établir les ponts entre littérature, jeux de rôle puis jeux vidéo.
Du livre au jeu, et vice-versa
Pour clore cette petite introduction qui aura, je l’espère, permis de montrer que les rapports entre livres et jeux vidéo ne viennent pas uniquement d’un délire personnel, il me faut noter que ces deux univers qui semblent opposés n’ont aucun mal à s’inspirer l’un l’autre.
Ainsi, il arrive que des romans inspirent directement les éditeurs de jeux-vidéo. Je pense ici à deux excellents exemples : The Witcher (2007), un jeu de rôle inspiré de la Saga du Sorceleur, série de roman d’Andrzej Sapkowski ainsi que Metro 2033 (2010), un jeu d’action inspiré du roman du même nom de Dmitri Gloukhovski. Dans ces deux cas, le fait d’utiliser des romans comme source a permis à ces jeux de s’appuyer sur un univers solide et crédible. Le célèbre auteur de romans d’espionnage Tom Clancy a fait mieux encore, puisqu’il a donné son nom à une série de jeux vidéos, en participant à l’élaboration de leur scénario.
The Witcher est clairement l’exemple d’une conversion réussie !
J’aurais aussi pu citer l’un des nombreux jeux vidéo issus d’adaptations de Harry Potter ou encore du Seigneur des Anneaux, mais la comparaison aurait été moins solide car ces jeux sont surtout issus de l’exploitation de la licence, et non pas du livre en lui-même. Ainsi, la majorité d’entre eux sont des adaptations des films plus que des livres, même s’ils laissent effectivement percevoir que le pont entre le livre et le jeu vidéo n’est pas impossible à franchir.
Quant à l’inverse ? Il en est de même ! Les jeux vidéo donnent de plus en plus souvent naissance à des séries de livres, qui ré-exploitent l’univers du jeu sous forme de romans. Qui a dit que les jeunes jouaient bêtement aux jeux-vidéo et ne savaient plus lire ? Les exemples sont ici légions : Halo, Assassin’s Creed, Resident Evil, Diablo, Doom, Mass Effect, Starcraft, Gears of War… sont autant de licences vidéoludiques qui ont donné naissance à des séries de livres, pour que les fans puissent approfondir leur découverte de l’univers du jeu qu’ils affectionnent.
Pour être honnête, je n’ai jamais lu d’adaptations littéraires de jeux vidéo, qui doivent certainement être dédiées à un public adolescent, mais si ce type d’ouvrages peut pousser les allergiques au livre à faire un pas vers la lecture, je les trouve plus que bienvenus !
Votre première approche est intéressante mais il y a un point qui me chagrine. Je vous cite « Pour être honnête, je n’ai jamais lu d’adaptations littéraires de jeux vidéo, qui doivent certainement être dédiées à un public adolescent, ». Pourquoi un public adolescent ?
Moi qui me suis procuré les adaptations littéraire de « God of war » et de assasins creed », je suis donc un public adolescent … Je le note :p
Mince ! Une seule bourde et je me suis attiré les foudres de tout mon public potentiel ! Cela m’apprendra à parler sans savoir. Mea culpa ! D’ailleurs, n’hésitez pas à donner votre avis sur ces productions littéraires si vous en avez lues.
Effectivement, c’est un raccourci contestable. Je me suis uniquement fié à des livres feuilletés en librairie mais sans jamais en découvrir un en entier. J’ai comparé cela à des livres que je connais bien : ceux tirés de l’univers Star Wars, dont certains sont clairement très adultes et profonds mais dont d’autres sont visiblement destinés à un jeune public.
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