Crédits photo : Evan Bench
L’autre jour, je demandais à l’ami Jean-Basile Boutak quels étaient ses projets d’écriture, ce à quoi il m’a répondu la phrase ô combien juste : « Les idées, c’est pas ça qui manque !« , et en effet, n’importe quel auteur aura toujours des dizaines d’idées dans la tête. Le problème n’est donc bien souvent pas l’inspiration, mais avant tout le temps ! Néanmoins, face à cette profusion d’idées, il est bien souvent tentant d’abandonner un projet d’écriture pour un autre, qui semble plus prometteur ou plus amusant. L’article d’aujourd’hui va tenter de vous expliquer en quoi il est peu pertinent d’accumuler ainsi les projets. Commençons, si vous le voulez bien !
Comment s’accumulent les projets ?
Pour commencer, rappelons l’origine du mal ! Je ne connais pas un seul auteur qui n’ait pas un ou deux manuscrits abandonnés sous le coude, ou plutôt dans les tréfonds de son ordinateur, quand ce n’est pas simplement sur le bureau. A l’origine de cet étrange phénomène se tient un facteur clef : la lassitude. Le grand souci, lorsqu’on écrit un livre, est que le texte va nettement moins vite que la pensée. Parfois, une idée met des semaines, voire des mois, à être crachée sur le papier. Or, entre l’instant où l’idée est pensée, et le moment plus hypothétique où elle se dresse fièrement dans un manuscrit, il peut se passer beaucoup de choses ! Voici différentes raisons qui pousseront l’auteur à abandonner son manuscrit en cours de route :
- La lassitude : Écrire n’est pas forcément un bonheur de tous les jours ! Il arrive que les heures passées à la rédaction d’un manuscrit perdent de leur sens, et que le projet en lui-même devienne fade ou décourageant. Dès lors, l’auteur pourrait être tenté de lâcher un texte dans lequel il ne croit plus.
- L’impatience : Parfois, l’auteur a quelques sublimes passages de son roman en tête, qu’il s’empresse d’écrire aussitôt. Passée la magnifique rédaction de ces passages, il faut encore combler les trous et amener les personnages à vivre ces scènes si marquantes qu’on a écrites pour eux. L’auteur impatient jugera bien vite que cela n’en vaut pas la peine et se contentera des quelques scènes écrites jusque là, sans jamais aller plus loin. C’est pour éviter cet écueil que je recommande d’écrire un roman dans l’ordre chronologique, et de ne JAMAIS commencer par les moments les plus forts ou les plus marquants.
- Le manque d’inspiration : Tous les auteurs ne sont pas marqués par le syndrome de la page noire ! Il n’est pas si rare de se voir soudain face à un vide complet quant à l’avenir de ses personnages. Peu à peu, l’auteur s’enlise dans son histoire et cesse finalement d’écrire. Pour éviter cela, nombreuses sont les personnes qui recommandent de rédiger un plan global du livre avant toute autre chose… Mais j’en serai personnellement bien incapable !
- Les nouvelles idées : Ah, l’idée nouvelle ! Elle est belle, elle est grande, elle est forte, elle est géniale, elle sera publiée à coup sûr ! Dans la vraie vie, le seul avantage de l’idée nouvelle est qu’elle est nouvelle, et donc certainement moins lassante que l’idée actuelle. L’auteur sera donc souvent tenté d’abandonner son manuscrit pour entamer son tout nouveau projet, le cœur plein d’espoir. Alors certes, vous pourriez être tenté d’arrêter ce pamphlet satyrique et fort que vous êtes en train d’écrire parce que vous avez une grande envie de rédiger un roman sur les pingouins, mais est-ce vraiment une bonne idée ?
- L’enlèvement extra-terrestre : Dernière raison possible d’abandon du roman, il arrive qu’un auteur se fasse enlever par les extra-terrestres et perde la mémoire suite à cet évènement traumatisant. Mais c’est assez peu courant.
Vous l’aurez compris, les raisons d’abandon d’un manuscrit sont multiples, mais elles mènent toujours au même résultat : vous avez toujours un texte sous la main mais n’en avez jamais fini un seul ! Est-ce là une bonne stratégie d’écriture ? Si vous pensez que la réponse est « oui », il me reste quelques paragraphes pour vous convertir !
Pourquoi ne pas laisser s’accumuler les projets ?
C’est très sympa d’écrire des projets qui vous bottent, mais il ne faut pas en profiter pour abandonner tous les manuscrits qui vous lassent. En effet, tout roman vaut d’être écrit, et dites vous que si vous en avez commencé un, il serait dommage de ne pas le terminer, peu importe le génie du manuscrit qui suivra.
Considérez votre Œuvre (avec un grand « O », on ne plaisante plus !) comme une maison. Vous avez décidé de la bâtir seul, quelle riche idée ! Néanmoins, les idées qui vous viennent sont plutôt vagues, et peu générales : vous pensez à une jolie baignoire pour la salle de bain, à une mezzanine plutôt sympa, mais vous n’avez pas d’idée sur la structure basique de la maison. Accumuler les projets revient à commencer chaque pièce de la maison selon vos envies, sans jamais en finir une seule. Vous vous retrouverez donc avec une chambre sans plafond, un salon sans sol et une remise sans mur (ce qui est peu pratique). Aussi belles que soient chacune de vos réalisations, le bâtiment restera définitivement inhabitable !
Boucler un projet d’écriture, c’est aussi faire le B.A.BA du travail d’auteur. Certes, le travail sera long, parfois peu gratifiant, et le résultat final peut-être décevant, mais au moins le travail sera fait ! Et alors, ce sera le moment idéal pour commencer l’un de ces supers projets dont vous rêvez depuis si longtemps.
Dans le cas contraire, il y a fort à parier que vous restiez avec une pile de manuscrits inaccomplis sur les bras. Et même si vous vous dites que vous les finirez un jour, on sait bien que les probabilités pour qu’ils soient terminés avant qu’un virus informatique ne les détruise à tout jamais sont quasi nulles !
Bon, malgré tout ça, avoir plusieurs projets en cours peut avoir ses avantages, je ne vous le cache pas. Par exemple, il peut être sympa d’écrire un nouveau texte avant de relire et corriger le précédent. C’est une bonne manière d’oublier un peu vos derniers écrits, puis de parcourir à nouveau vos textes d’un œil « neuf ». Si vous vous en sentez la carrure, écrire plusieurs projets de front pourra aussi vous aider à ne pas être lassé par chacun des textes, même si cela implique qu’il vous faudra replonger dans le récit dès que vous passerez d’un texte à l’autre.
Dans tous les cas, je pense que vous saurez rapidement si vous êtes du genre à pouvoir accumuler les projets ou non. Si la réponse est non, suivez ce conseil et n’accumulez plus les manuscrits !
Bon, c’est pas tout ça, mais il me reste pas mal de projets d’écriture à boucler moi, donc je vous laisse !
Ce n’est pas parce qu’un texte repose au fond d’un dossier qu’il est perdu à tout jamais… Le mot-clé dans ton article, c’est « abandon ».
Personnellement, je commence à avoir pas mal de textes, et finalement assez peu de publications. Ma première publication, qui plus est, est une nouvelle spécialement écrite pour le projet en question – Historietas chez Edicool, pour faire un peu de pub.
En revanche, ma deuxième publication, si tout se passe bien, devrait concerner deux textes parmi les plus vieux que j’ai écrits, mais maintes fois retravaillés depuis.
Et de tous les textes qui traînent dans mes dossiers, je n’en ai abandonné aucun définitivement :
– Concernant « Perfide Albion », j’attends simplement de trouver comment en réécrire la deuxième partie, car je pense qu’elle nécessite un changement assez profond, et je manque d’idée concernant ce texte… j’ai un peu de mal à sortir de l’histoire telle que je l’avais écrite au départ.
– J’ai récemment trouvé comment écrire un roman à partir de la première nouvelle que j’ai écrite.
– J’ai un roman jeunesse à réécrire, mais j’y tiens et j’y crois, il n’est pas abandonné…
– J’ai un roman SF à réécrire également.
Ce que je fais, c’est que je reprends mes textes de manière cyclique, au fur et à mesure de mes progrès techniques. Et quand je pense qu’un texte est mûr, je le propose à un éditeur.
Je ne procéderai peut-être plus comme cela demain, mais pour le moment, je ne suis encore qu’un auteur en devenir.
Merci pour le commentaire ! 😉
En effet, la notion d’auteur « en devenir » me parait importante. Au final, le conseil de cet article s’adresse particulièrement à ceux qui envisagent de publier rapidement, et songent vraiment à rendre leur texte public. Pour les autres, le fait de travailler sur de multiples projets peut être un excellent entraînement à l’écriture.
Quand j’étais gosse, je me souviens que je gribouillais pas mal de débuts de romans SF, certainement inspirés par quelques dessins animés ou autres films douteux au niveau culturel. Mon père n’a jamais compris pourquoi je supprimais à chaque fois ces synopsis, au bout d’une vingtaine de pages. J’avais simplement envie d’écrire de petits passages, jamais des romans. Avec du recul, je me dis que c’était un bon moyen de m’initier un peu à l’écriture, même s’il me paraît naturel d’essayer d’aller un peu plus loin au bout d’un moment…
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Plan ! plan ! plan global oui ! Une rédaction sans scénario ou plan c’est comme faire l’amour sans préliminaires, ça défoule, mais c’est limité. Les impulsions dont tu parles ne sont pas celles d’un écrivain mais d’un graphophile. Tout est dans l’agencement, la beauté se révèle (ou pas) en écrivant. La forme rejoint alors le fond, même si c’est elle qui parlera d’abord au lecteur. Le roman ne doit pas être une lecture phantasmée par anticipation, sinon c’est velléitaire et ça ne produit que ce que tu décris.
Je ne suis pas forcément d’accord. Je pense que chacun a sa méthode, et que là où un plan sera indispensable pour certains, il pourra en bloquer d’autres. L’essentiel est bien sûr de savoir où on compte aller et d’avoir un minimum de vision sur la fin et le déroulement du roman, mais de là à dresser un plan au chapitre près…
Merci pour ton commentaire !
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