Gérer le ton de ses romans

Avec l’été viennent peut-être les vacances ensoleillées, si vous avez de la chance. C’est donc l’occasion parfaite de rester cloitrés chez vous pour peaufiner vos créations littéraires ! Je profite de cette période propice à l’écriture d’un roman pour vous proposer un nouvel article de conseil d’écriture. Comme je vous ai habitués à des sujets basiques, voire simplistes, comme apprendre à écrire, je vais aujourd’hui remonter le niveau avec une notion plus complexe, et quasi abstraite : le ton d’un roman.

schéma thonVous ne rêvez pas, l’illustration de cet article est fondé sur l’un des jeux de mots les plus hilarants de la langue française

Qu’est-ce que le ton d’un roman ?

Avant d’entrer dans le vif du sujet, mieux vaut définir clairement ce dont on parle. Le ton d’un roman est assez difficile à définir, puisque même le lecteur ne réalise pas forcément sa présence. Quant à l’auteur, il l’applique parfois sans même faire attention, car il aura inconsciemment défini le ton de son roman lorsqu’il aura pensé à son projet de manuscrit.

Nous pourrions dire que le ton du roman est l’intonation générale du narrateur, que celui-ci soit interne, externe ou omniscient. Le ton sera défini par la relation qu’entretiendra le narrateur avec le lecteur et avec le récit. Le ton peut être parfaitement neutre, avec un narrateur qui se contente de décrire objectivement le récit, comme c’est souvent le cas lors d’une narration externe. Mais rien n’empêche à l’écrivain de rendre son narrateur un poil plus impliqué…

Pour mieux comprendre le principe du ton d’un roman, rien ne vaut un exemple. Imaginez la simple description d’un couple d’amoureux qui se bécotent sur les bancs publics (comme dirait l’autre !). Selon le narrateur et sa manière de présenter, vous pourriez obtenir une scène romantique, une scène fleur bleue, une scène érotique, une scène triste, voire même une scène de haine intense. Si vous aimez les exercices d’écriture, celui-là peut d’ailleurs être un bon entraînement.

Avant de développer un peu plus le sujet, remarquons que le ton du roman n’est pas à mélanger avec le style de l’auteur. Le style est ancré dans l’écrivain, et comprend notamment ses tics ou ses habitudes d’écriture, tout comme ses archétypes de personnages. Un auteur sera incapable de modifier son style d’un roman à l’autre, car c’est un travail sur le long terme, et qui demande beaucoup d’efforts. En revanche, le ton peut facilement être modifié entre chaque roman, selon le point de vue choisi par l’auteur et l’idée qu’il aura du texte.

Comment travailler le ton d’un roman ?

Il est donc possible de réfléchir concrètement au ton à donner à son roman. A vrai dire, la notion est si subtile que la plupart des écrivains choisissent un ton sans même s’en rendre compte. En effet, le ton fait partie intégrante du projet littéraire. Au moment de réfléchir à votre prochain roman, vous ne devez en effet pas penser uniquement au récit, mais aussi à son ambiance générale et à la manière dont il sera présenté au lecteur.

Si vous souhaitez travailler réellement sur le ton de votre roman, il faut y réfléchir avant d’avoir écrit la première ligne. En effet, appliquer un ton n’est pas aussi facile que de corriger des fautes, et il vous faudra y réfléchir en amont de votre travail d’écriture.

Pour travailler le ton de votre roman, il faut tout d’abord choisir votre point de vue, et par là-même votre type de narrateur. Cela me fait penser que je n’ai jamais écrit d’article sur le choix du narrateur, ce qui sera fait sous peu si cela vous intéresse. Pour faire bref, vous avez le choix entre un narrateur interne, externe et omniscient :

  • Le choix du narrateur externe limitera votre inspiration puisque ce narrateur n’est généralement qu’un œil qui examine objectivement le récit, et vous permettra difficilement de modifier la tonalité de la narration.
  • Le choix du narrateur interne (avec un récit en « je ») sera un peu plus intéressant pour travailler le ton du roman. Néanmoins, il faut noter que le ton du roman sera très influencé par le caractère et la personnalité du personnage que vous aurez propulsé comme narrateur. Il sera donc vital de réfléchir très concrètement à ce personnage-narrateur.
  • Le choix du narrateur omniscient vous permettra un contrôle total, mais plus compliqué à gérer, sur le ton du roman. En jonglant entre les pensées des personnages, voire en s’imposant au lecteur, le narrateur omniscient aura tout loisir de modifier le ton de votre roman.

Ce choix de point de vue, vous l’aurez compris, sera déterminant dans votre capacité à modifier le ton du roman, mais tout ne dépend pas de lui. En effet, le ton général du roman va aussi dépendre de votre univers, de vos personnages et de votre récit. Toutes les composantes de votre roman peuvent avoir un effet sur la tonalité à votre œuvre. En effet, il sera plus facile de dégager une impression de tristesse dans un univers morne et hivernal, ou d’offrir à votre œuvre un ton décalé grâce à des personnages loufoques et dans un univers inattendu.

Au final, le ton du roman pourrait très bien être le point de départ de votre processus créatif. Car à travers le simple ton que vous souhaitez donner à votre projet (festif, joyeux, mélancolique, triste, cynique, moqueur, drôle, etc.) vous devriez être capable de préciser et de créer tout un univers, et de donner ainsi son vrai visage à votre future création littéraire.

Notez simplement que c’est dans la discrétion et dans la nuance qu’un ton parviendra le mieux à convaincre. Comme évoqué plus tôt, le ton d’un texte est à peine perceptible par le lecteur, et c’est dans cette absence de perception que la magie opère. Il ne s’agit donc pas d’en faire des tonnes, au risque d’alourdir le récit, mais plutôt d’ajouter de petites touches qui forgeront le ton au fil des pages.

Pourquoi travailler le ton du roman ?

Avant de clore cet article, peut-être est-il utile de préciser l’intérêt d’un tel travail sur la tonalité du roman. En effet, vous pourriez être tenté de vous moquer du ton de vos textes, car une bonne histoire peut suffire. Eh bien, pas forcément ! Un ton travaillé pourra vraiment faire la différence entre un bon roman et un roman passable. En effet, le ton sera ce « je ne sais quoi » qui impliquera davantage le lecteur, et lui donnera une impression positive quant à son expérience de lecture.

Le ton permettra notamment d’impliquer davantage le lecteur, en le plongeant réellement dans l’univers que vous cherchez à lui dépeindre. Ce sera également pour vous un bon moyen de différencier votre texte des autres, non pas grâce à un propos ou à un récit inattendu, mais grâce à une manière de les dépeindre autrement. Le ton pourra ainsi donner une véritable personnalité à votre roman, et ainsi accroître son capital sympathie. Comme évoqué plus haut, le ton peut enfin être un véritable enjeu littéraire, et donner toute sa force à une œuvre.

Bref, tout cela pour dire que la qualité d’un roman peut tenir à de menus détails, et qu’il peut toujours être utile à l’auteur de réfléchir à ce type de détails au moment de débuter l’écriture de son ouvrage…

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7 réflexions sur “Gérer le ton de ses romans

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  2. Comme promis, j’ai repris ma lecture via la superbe page Parcourir le site (grosse maline que je suis, je ne l’avais pas vu à la première visite et je ne dirai pas comment j’ai fait pour trouver alors les articles qui m’intéressaient parce qu’avec le recul, ça me paraît passablement stupide xD)

    Bref, le thon, c’est bon. Même si je n’aime pas ça. Le ton non plus, on dirait, parce qu’à la lecture de ce qui précède, j’ai pris peur ! Comme devant un contrôle de maths quand j’étais petite (et même moins petite). La sensation terrible du « je n’y arriverai jamais ! »

    Très sincèrement, c’est une question que je ne me suis jamais posé, et maintenant que je sais qu’il faudrait que je me la pose, je panique un peu. Je crois que c’est parce que je ne parviens pas à saisir tout à fait de quoi il s’agit (comme les maths, quoi !)

    J’essaye de me représenter ça avec l’exemple que tu donnes mais même là, je dois être hermétique quelque part (comme pour les ma… euh, bon, on a compris), et ça me chagrine un peu. L’idée est-elle que la scène en question, objectivement parlant, est unique, et que par exemple, plusieurs personnes assistent à cette scène et chacun la décrirait ensuite à sa manière ? Avec donc chacun un ton propre ?

    Concernant le point de vue du narrateur, je ne crois pas avoir vu dans ta superbe page Parcourir le site un article consacré à ça, et pour le coup, ça m’intéresse tout spécialement. Donc si tu as déjà écrit là-dessus, je veux bien le lien, et sinon, je veux bien le lien ! 😛

    • Si le concept de ton ne te parle pas et que tu n’as jamais eu de mal à écrire un texte sans penser au ton, n’y pense simplement pas ! Il ne faut pas que cela te gêne dans l’écriture ou te fasse perdre ton naturel.

      Je pense que tu as saisi l’exemple. L’idée est que le ton général de ton roman (ou la personnalité de ton personnage principal si tu as choisi la narration interne) va influencer de manière plus ou moins subtile chaque description ou chaque manière de présenter les choses. Le narrateur externe ou omniscient d’un roman au ton neutre se contentera d’un « Deux amoureux s’embrassaient sur un banc public », tandis qu’un narrateur au ton corrosif ou moqueur dira « Les deux sangsues baveuses semblaient irrémédiablement collées par la salive, oubliant même que le banc sur lequel elles avaient posé leurs fesses était public ».

      Pour être plus clair, tu peux aussi imaginer le ton comme une manière de parler. Tu ne parleras pas à ton patron comme tu parles à un ami, ni comme tu parles à ta nièce de 3 ans. Choisir un ton de roman (consciemment ou non), c’est un peu décider si tu considères ton lecteur comme ton patron, comme ton pote, comme un enfant, etc.

      Effectivement, je n’ai jamais parlé des différents types de narrateur, ce qui est honteux tant le sujet est important ! Je m’y attaquerais dans les semaines à venir. En attendant tu peux toujours parcourir un parallèle que j’avais fait entre la narration d’un roman et les jeux-vidéos. Le sujet va te paraître bizarre mais j’y aborde en détail les différents types de narration.

      • D’accord, j’ai saisi l’idée, et si c’est bien ce que je comprends, je le faisais déjà, mais sans savoir de quoi il retournait au juste ! Je ne suis pas certaine que je pourrais moi-même identifier clairement le ton de ce que j’écris si je me penchais dessus après coup, mais en tout cas, je pense que je garde toujours la cohérence au fil du récit. Donc ouf ! Sauvée :p

        Concernant les différents types de narrateur, je me permets juste d’ajouter (ou de compléter plutôt) ta petite liste, en disant que j’utilise (ou plutôt j’ai beaucoup utilisé) le narrateur interne mais avec un récit à la 3e personne. Et je pense que c’est encore un peu différent du récit à la 1e personne. Enfin, il me semble… C’est assez instinctif pour ma part, j’attends donc ton article pour avoir ton sentiment là-dessus et voir le décorticage technique que tu sauras à coup sûr en faire ! 😉

      • Disons que les types de narration peuvent être pompeusement techniques ! Je pense qu’il est difficile de catégoriser un type de narration qui ne soit pas classique. Dans ton cas, on pourrait peut-être dire qu’il s’agit d’un narrateur externe avec une focalisation interne… Même si ça peut paraître contradictoire ! J’essaierai de m’intéresser au sujet de la narration très prochainement. 😉

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