Ayant été assez surpris par l’intérêt porté pour mon article sur la gamification du livre numérique, j’ai pensé qu’il pouvait être intéressant de continuer dans cette veine en explorant les avenirs possibles du livre numérique. C’est un peu un hasard si l’idée de traiter le transmédia m’est venue à l’esprit. J’ai en effet simplement feuilleté un vieux Dofus Mag qui trainait chez mes parents, et dont l’éditorial traitait justement du transmedia. J’ai alors réalisé qu’il était curieux de ne jamais avoir parlé du sujet de la narration transmedia ici, étant donné qu’il s’agit d’un concept qui touche l’ebook de très près, et pourrait bien devenir un mode de narration fréquent dans les années à venir.
Voici donc venu le moment de nous intéresser de près au livre numérique dans le transmédia ! Ce premier article consacré au sujet se contentera d’expliquer en détail ce qu’est la narration transmédia. Un second article s’intéressera sur son application pour le livre numérique et dans l’univers du livre.
Définition de la narration transmédia
Tout comme la gamification, le transmedia est un concept qui nous vient tout droit d’Amérique, connu là-bas sous le nom de Transmedia Storytelling. Contrairement à la gamification et à sa sordide traduction de ludification, le transmedia a un petit nom français ma foi fort agréable, celui de narration transmédia.
La narration transmedia : mais qu’est-ce que c’est au juste ?
Bonne question, à laquelle je vais m’empresser de vous répondre si je ne continue pas à me perdre dans des effets de style ampoulés. La narration transmédia est tout simplement l’utilisation combinée de différents médias pour créer un univers narratif complexe et complet. Par « média », on entend des sources aussi diverses que la télévision, internet, l’édition, la radio ou toute autre chose capable de diffuser l’information sous une forme ou sous une autre.
La narration transmédia va permettre de développer un univers narratif riche et d’offrir une expérience de narration nouvelle en multipliant les supports. Comprenez bien qu’il ne s’agit pas simplement d’adapter une narration d’un support à l’autre (l’adaptation de la saga livresque Twilight en films, faute d’être une bonne idée, n’est pas non plus une narration transmédia) mais bien de développer différents axes de narration autour d’un même univers grâce à la diversité des médias.
Le site This is Transmedia offre une manière facile de différencier le transmedia du non-transmedia !
L’intérêt principal du Transmedia Storytelling est de profiter de chaque média pour toucher de nouvelles cibles, ce qui permet également d’explorer un univers au maximum. Bien souvent, et pour les univers narratifs très populaires, le transmédia fait le bonheur des fanboys. Les fans des trilogies Star Wars sont ainsi ravis de retrouver leur galaxie très lointaine à travers des livres, des jeux-vidéo, des bande-dessinées, des séries télévisées… qui ne cessent d’explorer l’univers créé par George Lucas dans les moindres détails.
Un exemple de narration transmédia : Dofus
Pour être sûr d’avoir correctement compris le concept du transmédia, revenons plus en détail sur un autre exemple d’univers ayant particulièrement bien exploité la narration transmédia. Il serait en effet idiot de ma part de ne pas revenir sur ce qui m’a inspiré cet article, à savoir Dofus. Et le fait que les locaux d’Ankama (entreprise ayant donné naissance à cet univers) soient situés à Roubaix ne pousse en rien le Nordiste que je suis à vous en parler !
Dofus, disions-nous, est à l’origine un jeu de rôle en ligne massivement multijoueur (ou MMORPG… voire MEUPORG pour les moins attentifs) sorti en 2004. Il s’agissait donc au départ uniquement d’un jeu vidéo qui plonge les joueurs dans un univers original d’Heroic Fantasy. Parmi les éléments qui marquent l’univers de Dofus, on retrouve un ensemble de créatures et de races propres à cet univers, un monde coloré et un humour décalé et drôle, empli de références.
Non contente de se satisfaire de l’immense succès rencontré par le jeu vidéo, l’entreprise Ankama en a profité pour diversifier son activité à travers l’utilisation de la narration transmedia. C’est ainsi que sont nées les éditions Ankama, qui donnèrent naissance à un grand nombre de livres, mangas et bande-dessinées autour de l’univers Dofus. Quelques années plus tard, c’est à travers la télévision qu’Ankama continua son épopée transmedia avec la création de sa série animée Wakfu, qui continuait d’explorer le monde de Dofus.
Quel que soit le support et le média, l’univers Dofus gardait son ton drôle et léger et réutilisait les personnages et lieux du jeu-vidéo, jusqu’à créer un univers narratif immense, qui dépasse de loin celui du jeu vidéo original. Aujourd’hui, Ankama continue de proposer régulièrement de nouvelles créations autour de son univers, à travers plusieurs jeux vidéos, sa série animée et de nombreux livres.
La série-animée Wakfu est elle-mêmeinspirée du jeu vidéo du même nom, qui se situe dans l’univers de Dofus, mais quelques siècles après le jeu original.
Pour Ankama, la narration transmédia a été une idée de génie. En effet, publier des mangas et des livres autour de l’univers du jeu-vidéo a permis aux joueurs les plus fans de retrouver avec plaisir l’univers qu’ils adorent, et donc d’y adhérer plus farouchement encore. Les profanes ont également pu découvrir le jeu vidéo grâce à l’engouement autour des livres et des bande-dessinées. Enfin, ceux qui n’appréciaient pas forcément le jeu-vidéo ont eu l’occasion d’adhérer à cet univers grâce à des médias plus appropriés à leur goût.
Au final, ce qui aurait pu être un simple jeu vidéo à succès l’espace de quelques années est devenu un univers complet et a donné naissance à de multiples produits dérivés, autant de sources de revenus supplémentaires durables pour Ankama. D’autant plus que le succès des différents médias Dofus et l’adhésion des fans a permis de limiter grandement les frais publicitaires autour de la marque.
Certes, toutes les créations dérivées du Dofus original n’ont pas toutes été des succès, et Ankama a notamment dû se séparer d’un certain nombre de ses magazines papiers, ère du numérique oblige, mais l’entreprise reste un exemple phare d’une narration transmédia réussie.
Et le livre numérique dans tout ça ?
Comme souvent lorsqu’on parle du livre numérique et de ses évolutions, nous nous éloignons un peu du sujet du monde du livre… Mais ce n’est que pour mieux y revenir ! Pour vous éviter une overdose d’information et pour profiter honteusement d’un effet d’attente, je dédierais très prochainement un second article au livre numérique dans la narration transmédia. Restez à l’écoute !
Le pauvre avec son MEUPORG 😉 N’empêche, le MEUPORG est un exemple de narration transmédia: on le lit sur ton blog, puis on peut le voir sur YouTube, puis on peut s’en moquer sur le net. J’ai bien compris professeur ?
Je dirais que le Meuporg s’approche plus du bad buzz que de la narration transmédia, mais pour le coup l’effet était réussi puisqu’on en parle encore des années après ! 😉
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